A Sybaris, cité maritime du sud de la Grande plaine de l'Est, le gouverneur Willibert n'avait pas pardonné au duc de Roncenoir d'avoir préféré comme future épouse Eleonor, la fille de Gildric de Cinaxa, à l'une de ses deux filles, Alix et Théodora.

   Une amitié profonde avait lié ces deux personnages pendant de nombreuses années et ces derniers temps, le duc avait souvent laissé entendre à Willibert son désir de se marier afin d'assurer sa descendance et qu'il aurait voulu prendre pour épouse l'une des deux filles de son ami, mais ne savait pas encore à ce moment laquelle choisir tant il les trouvait toutes deux charmantes. Le gouverneur de Sybaris avait été très honoré et très fier de pouvoir donner une de ses filles à Norbert et avait attendu avec impatience le jour où le duc aurait officiellement fait sa demande.

   La grande réception organisée à Ethyria afin de présenter au duc les jeunes filles des personnalités du royaume et en age de se marier, ne représentait pour Willibert, qu'une simple formalité, tant il était certain que le duc choisirait l'une de ses deux progénitures. Lorsque, avec stupeur, il apprit que Norbert avait porté son dévolu sur la fille du gouverneur de Cinaxa en Phaéton, une grande colère s'empara de lui et dès lors il se sentit trahi. Une profonde rancoeur s'installa chez Willibert, celle-ci se transformant rapidement en véritable aversion à l'égard de son ancien ami. Rosemonde, l'épouse du gouverneur de Sybaris, n'avait de cesse à rappeler à son mari, l'odieux camouflet que le duc de Roncenoir venait de leur faire subir par devant la noblesse entière.

   Un matin, Le général de l'armée de Sybaris, un certain Arnold, se fit annoncer, accompagné d'un petit personnage, plutôt laid à regarder, au regard fuyant et parsemé de tics qui déformaient ses joues et sa bouche. Il était aussi intelligent et rusé qu'il n'était difforme et avait pour nom Agrim. Sa grande perspicacité et son sens de la tactique avaient décidé le gouverneur à le prendre pour conseiller bien qu'il se chuchotait au palais et en ville que personne ne savait d'où il venait et qu'il aurait été le fruit des amours inter-raciales entre un chef gobelin et une humaine des environs de Rochegrise. Quittant la région des Collines, la mère se serait alors dirigée vers l'Est avec son enfant et se serait établie à Sybaris où un notable de la ville serait devenu son amant et aurait pris en charge l'éducation de ce petit, qui semblait-il, présentait des dons peu communs aux enfants de son âge.

   Willibert fit asseoir ses visiteurs et, d'un air las, leur dit :

   - Je suppose qu'aujourd'hui pas plus que précédemment, vous ne m'apportez pas la solution qui me permettra de me venger de Norbert de Roncenoir ?

   - Détrompez-vous Excellence, répondit le général Arnold. Agrim ici présent a, paraît-il, une idée qu'il n'a pas voulu me dévoiler d'ailleurs, préférant vous en laisser la primauté !

   Se tournant vers le petit homme, le gouverneur lui dit :

   - Tes conseils m'ont toujours été bénéfiques Agrim, mais pour ce qui est de venger l'honneur de ma famille, ceux-ci devraient être particulièrement judicieux.

   Le conseiller, ouvrant sa bouche déformée en mouvements saccadés, répondit sur un ton rauque :

   - Je pense en effet avoir trouvé la solution à ce problème... Des sources de confiance en Phaéton m'ont rapporté que le gouverneur Gildric avait l'intention, dans un avenir plus ou moins proche, de se dresser contre Norbert de Roncenoir. Je me permettrai de vous suggérer d'établir une alliance avec le gouverneur de Cinaxa.

   Calmement, Willibert écoutait Agrim. Au bout d'un court instant, le gouverneur répondit :

   - Tu sembles oublier que c'est la fille de ce Gildric qui va épouser le duc Norbert... J'estime qu'il m'a coupé l'herbe sous les pieds en acceptant de prendre pour gendre celui que je hais le plus actuellement... Pourquoi devrai-je faire alliance avec lui ? Ne savons nous pas qu'il est à la tête d'une armée actuellement réduite et que sa flotte ne représente rien comparé à la nôtre... Que nous apporterait-il de plus que nous n'ayons déjà ?!

   Tout en se frottant les mains lentement et souriant d'un air sournois, le conseiller répondit :

   - Pardonnez-moi Excellence, je dois vous mettre au fait de certains éléments qui vous échappent encore et que je n'ai appris que récemment.

   Agaçé, Willibert jeta :

   - Oui, oui, et c'est bien pour cela que tu es mon conseiller... Parle, je t'écoute !

   Pas du tout impressionné par le ton du gouverneur et toujours accompagné de ses tics, le petit homme continua :

   - Premièrement, Eleonor la fille de Gildric n'a pas encore épousé le duc. D'ailleurs, personne ne peut dire où elle se trouve en ce moment, elle semble s'être volatilisée !? Sachez d'autre part, Excellence, que le gouverneur de Cinaxa est occupé à agrandir son armée et qu'en outre, un immense chantier de construction de navires de guerre serait en édification quelque part le long de la côte sud le l'île. Il semblerait donc que la faiblesse de l'armée de Gildric ne soit bientôt plus qu'un souvenir et que le moment est plus que propice pour une alliance avec Phaéton.

   Tout en se grattant le menton, Willibert réfléchissait. Bientôt, se tournant vers le général , il demanda :

   - Et toi Arnold, quel est ton avis sur le sujet ?

   Très posément, le général répondit :

   - Si les sources d'Agrim sont fiables et que ses renseignements sont exacts, je crois qu'il serait sage en effet, d'écouter son conseil. Je pense en outre que Gildric ne serait pas idiot au point de refuser une alliance avec Sybaris, alliance qui ne ferait que renforcer ses forces si réellement il désire se mesurer au duc de Roncenoir.

   - Bien, répondit le gouverneur. Nous allons donc procéder aux vérifications de tous ces renseignements avant d'entrer en relation avec le gouvernorat de Cinaxa. Que Nélos et Aziza nous aident dans notre tâche, le duc devrait bientôt regretter de m'avoir humilié devant toute la noblesse de Meruvia !

 

*   *   *

 

   Après avoir erré quelques jours le long de la côte nord de Phaéton tout en essayant d'éviter les lieux habités et en se nourrissant grâce à quelques vols effectués dans l'une ou l'autre ferme isolée, Bertrand entrait un soir dans Cinaxa après avoir laissé son cheval en dehors de la cité. Il se dirigea précautionneusement vers la petite demeure où il avait, pour la première fois, rencontré Eleonor, et où il espérait bien retrouver le mari de la gouvernante de la jeune fille.

   Thélion semblait très nerveux et il fit rapidement entrer le fils de Manon en lui expliquant que sa femme était assignée à résidence au palais et qu'il ne pouvait pas la rencontrer pour l'instant.

   - Que se passe-t-il, demanda Bertrand. Pourquoi a-t-on arrêté Marguerite ?

   - Elmadj et sa bande de brigands ont ramené la fille du gouverneur en ville. Maintenant, Gildric est au courant que celle-ci a aidé un Meruvien à s'emparer du plan de fabrication des bâtons de feu, il est fou-furieux et c'est de justesse qu'Eléonor n'ait pas été jetée en prison. En tout cas celle-ci est actuellement assignée à résidence au palais.  Il a en outre accusé mon épouse de lui avoir caché le but réel du voyage d'Eléonor. Ma femme est également enfermée dans sa chambre et il lui est interdit d'en sortir en attendant l'arrivée imminente du duc de Roncenoir.

   Le visage de Bertrand devint blême. Il répondit :

   - Le duc... Quand doit-il arriver à Cinaxa ?

   - Après-demain, un navire de guerre en provenance de Suthéria avec Norbert de Roncenoir à bord, accompagné d'une suite importante, accostera aux quais du port vers le milieu de l'après-midi. Gildric le recevra aussitôt car le duc vient officiellement faire sa demande de la main d'Eleonor.

   Bertrand semblait soucieux. De nombreuses questions se bousculaient dans sa tête et c'est au bout d'un long moment qu'il répondit :

   - Avant qu'Elmadj et sa troupe ne nous encerclent dans la forêt de Phaéton, j'allais révéler à Eleonor le plan que j'avais en tête pour lui éviter d'accompagner Norbert à Ethyria et de devoir l'épouser.

   - Et ce plan messire...

   - Et bien, Il me suffisait simplement d'enlever Eleonor et la ramener avec moi à Ixos ! J'aurais voulu le faire avant qu'Elmadj ne nous retrouve et ne s'empare d'elle mais je devais empêcher que le parchemin ne tombe aux mains des Phaétoniens. Maintenant tu me dis que le duc n'arrive ici que dans deux jours. Je dois donc préparer mon plan dès ce soir car je le mettrai à exécution demain pendant la nuit.

   Thélion eut un mouvement de recul.

   - Vous n'y pensez pas messire... Enlever la fille du gouverneur du palais là où elle est retenue... Mais vous n'y arriverez pas, il y a des gardes partout en prévision de la réception du duc... Ce serait certainement une tentative avortée ?!

   Bertrand s'impatientait.

   - Ne m'as-tu pas dit que tu étais jardinier au palais de Cinaxa ? En tant que tel je suppose que tu connais bien celui-ci... Je dois savoir où se trouve très exactement la chambre d'Eleonor. Quant-à-toi, tu feras ton service normalement demain matin mais je veux que tu comptes le nombre d'hommes présents aux alentours de l'endroit où est détenue la jeune fille. De plus, regarde à quelle fréquence se fait la relève de la garde, je dois tout savoir à ce sujet et obtenir les renseignements que je te demande pour la fin de l'après-midi de demain. Seras-tu en mesure de me fournir cela ?

   Après un long soupir, le jardinier répondit :

   - Demain vous serez au fait de tout ce qui se passe au palais mais... Et ma femme Marguerite, que va-t-elle devenir ?

   - Tu ne devrais pas t'inquiéter. Une fois Eleonor disparue du palais, plus personne ne pourra suspecter ton épouse de quoique ce soit puisque elle-même est détenue en un autre endroit. Le gouverneur n'aura alors plus de raison de la maintenir en détention.

   - Que Nélos vous entende messire... Peut-être que votre plan réussira, ou peut-être pas, mais un problème de taille resterait à résoudre dans le cas où vous parviendriez à faire sortir du palais la fille du gouverneur !

   Bertrand demanda :

   - De quoi veux-tu parler ?!

   - Et bien... Un navire vient de quitter Cinaxa en direction de Suthéria et aucun autre ne prendra la mer avant une semaine. Il serait extrêmement dangereux pour vous et pour la jeune fille de rester cachés toute une semaine dans la cité et j'y inclus cet endroit. Je connais Gildric, il fera fouiller la ville entière et ce, maison par maison !

   Avec un petit sourire, le fils de Manon répondit : 

   - J'ai pensé à cela également, mais il y a un endroit que le gouverneur ne fouillera jamais. Que crois-tu que fera le duc en apprenant que sa future épouse s'est sauvée du palais et qu'il ne pourra donc pas la ramener à Ethyria ?

   - Et bien, je...

   - Je vais te le dire. Fou-furieux, il reprendra la mer séance tenante sans savoir qu'à son bord il transportera deux... passagers clandestins !

   Thélion, qui était en tain de boire une gorgée d'eau, avala celle-ci de travers et se mit à hoqueter pendant quelques instants avant de répondre tant bien que mal en essuyant son visage d'un revers du bras :

   - Pardonnez moi messire... Je vous savais téméraire, mais maintenant et sauf votre respect, je vous crois complètement...fou.

   - Ne t'inquiètes pas. Le capitaine du vaisseau ducal d'Ethyria était un ami d'enfance et malgré que j'aie quitté l'armée du duc, il ne m'a jamais ôté son amitié car un jour je lui ai sauvé la vie. J'espère seulement que ce soit encore lui qui commande ce navire et qu'il m'en rende la pareille.

   - Et bien... Priez donc Nélos pour que ce soit ainsi...

   - A propos, as-tu entendu parler d'un géant qu'Elmadj aurait peut-être ramené au palais en même temps que la fille du gouverneur ?

   - Ah oui... J'avais oublié de vous en parler. Un malin, celui-là... Il se faisait passer pour quelqu'un de gravement blessé. J'ai entendu récemment raconter cette histoire par un homme d'Elmadj dans une taverne du coin; ils avaient dès lors quelque peu négligé l'attention qu'ils lui portaient quand ils s'aperçurent avant-hier matin qu'il avait disparu. Bien entendu, ils ne s'en sont pas vantés auprès du gouverneur !

   - Enoch... Disparu... Il s'est donc enfui... Saurais-tu où il se trouverait par hasard ?

   - Hélas non messire, je n'en ai aucune idée, et apparemment les hommes d'Elmadj non plus d'ailleurs.

   - Peut-être le rencontrerai-je en ville, après tout, répondit Bertrand. Nous verrons... En attendant, puis-je dormir ici cette nuit ? Je suis exténué.

   - Bien entendu messire. Je prendrai mon service demain très tôt et vous laisserai dormir. Vous aurez tous vos renseignements demain en fin d'après-midi. Si vous sortez, je vous en conjure soyez discret, ne vous faites surtout pas repérer par les hommes du gouverneur.

   Bertrand remercia Thélion pour l'aide qu'il voulait bien lui apporter et alla se coucher. Quelques instants plus tard, le fils de Manon dormait profondément. 


   Le lendemain, à la nuit tombée, une ombre encapuchonnée se glissait furtivement dans les immenses jardins boisés qui entouraient le palais de Cinaxa. Précautionneusement, le personnage avançait lentement mi-courbé et s'arrêtait de temps en temps en prêtant l'oreille afin de mieux apprécier la distance qui le séparait de la soldatesque qui surveillait le palais. Ca et là, des gardes faisaient leur ronde et lorsqu'un de ceux-ci disparaissait de son champ de vision, l'homme reprenait sa marche silencieuse. A son épaule gauche pendait un petit grappin auquel une longue corde enroulée était attachée. Le personnage semblait se diriger vers un endroit bien précis et effectivement, il s'arrêta bientôt à une vingtaine de mètres de l'aile sud du gigantesque bâtiment. Levant les yeux vers le haut du palais, il aperçut trois fenêtres séparées l'une de l'autre de plusieurs mètres et se dirigea résolument vers celle de  gauche. A sa droite et à sa gauche, l'homme pouvait entendre les rires plus ou moins éloignés, des gardes qui plaisantaient entre-eux et qui devaient sans doute beaucoup s'ennuyer. Au pied de l'endroit où s'était arrêté l'homme, un important buisson de fleurs léchait la façade où se trouvait la fenêtre qui avait attiré son attention. De celle-ci, des voiles virevoltant, sortaient et rentraient au gré des caprices du vent. Le ciel s'était assombri de plus belle et bientôt, une pluie battante se mit à tomber, ce qui sembla fortement réjouir le personnage. Sortant un petit parchemin de sa poche, l'homme l'enroula autour d'une pierre et, après avoir évalué la hauteur à atteindre, la lança vers le haut de la façade où elle atterrit avec bruit dans la pièce visée. Un peu plus tard, une forme humaine passait la tête à l'extérieur et, après avoir regardé un moment vers le bas afin d'habituer ses yeux à l'obscurité, poussait un petit cri en s'exclamant :

   - Bertrand ?!

   Celui-ci posa un doigt sur ses lèvres et désigna le grappin en faisant comprendre par gestes à Eleonor qu'il allait le lancer et qu'elle devait se reculer. Celle-ci acquiesça d'un signe de tête et disparut du bord de la fenêtre. Se saisissant de son grappin, le fils de Manon s'apprêtait à le lancer vers le haut quand une voix dure résonna à peu de distance.

   - Holà ! Qui êtes-vous et que faites-vous ici ?!

   Un garde venait en effet d'apparaître et se fit immédiatement menaçant. Il ouvrit la bouche à nouveau et s'apprêtait sans doute à appeler ses camarades à la rescousse lorsque, sortie de nulle par, une ombre gigantesque se dressa rapidement derrière le soldat et, l'attirant à lui en lui pressant la bouche avec son énorme main gauche, lui enfonça rapidement un poignard dans la gorge. Le garde s'affaissa sans un cri et tomba de tout son poids sur le sol. Il était mort. 

   En quelques enjambées, l'individu était aux côtés de Bertrand. Sans laisser voir son visage, le nouvel arrivant s'adressa au fils de Manon en lui disant :

   - Et bien, je crois qu'il était temps que j'arrive, hein sergent !

   Bertrand s'exclama :

   - Enoch...?! Mais par Aziza, comment cela es-ce possible ? En tout cas on peut parler d'une arrivée providentielle !

   - Pas le temps de vous expliquer maintenant sergent. Faites sortir la jeune fille nous devons filer au plus tôt, les hommes du gouverneur vont bientôt rappliquer par ici.

   Eleonor, qui, penchée à sa fenêtre, avait suivi tous ces mouvements, se recula à nouveau sur un signe du géant. Prenant le grappin des mains de Bertrand, Enoch le fit tournoyer quelques fois avant de le lancer d'une main assurée vers le rebord de la fenêtre. Il tira alors sur la corde afin de d'assurer de la prise du grappin et bientôt, la fille du gouverneur, ayant passé un pantalon de cuir noir et serrant, se laissa glisser le long de la corde et, une fois à terre, se tourna vers le fils de Manon pour se jeter dans ses bras, ne trouvant pas les mots pour lui exprimer sa gratitude.


   Une heure plus tard environ, les trois amis se retrouvaient chez Thélion qui, en les voyant harassés, se jeter dans les fauteuils, se mit à rire et exulter de joie. Après avoir expliqué à Enoch le plan qui lui permettrait de rejoindre Meruvia en empruntant le vaisseau du duc, Bertrand dit au géant :

   - Il est impossible que tu prennes la même voie que nous, tu es trop facilement reconnaissable. En tout cas, d'ici quelques jours je ferai envoyer un petit navire qui accostera  le long de la côte au nord de l'endroit où nous avons retrouvé le parchemin. 

   - Ca me va sergent, répondit Enoch. En attendant, je me ferai tout petit, ah ah ah !

   Pas trop rassuré, Thélion dit au fils de Manon :

   - Le plus dur reste à faire, je doute encore de la réussite de votre plan, messire Bertrand !

   - Ne t'inquiètes donc pas, répondit celui-ci. C'est le seul endroit où le père d'Eleonor ne viendra pas nous chercher.

   Puis, se tournant vers la jeune fille, Bertrand demanda :

   - Pas de regrets, tu es toujours décidée à quitter Cinaxa ?

   - Pas du tout, répondit Eleonor. Mon seul regret est d'avoir trop vite accepté la demande en mariage du duc de Roncenoir !   

 

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